«La pensée pense ce qui la dépasse infiniment»




2010-09-27

le parfum.

Ton parfum, à mon oreille, se dissipe à mon contact rapide. Se répand, lentement dans mon cou, mon visage, mon corps. Ton parfum, prononcé, discret, inaccessible. Il me murmure des mots tendres, jolis, réservés. Réservés à une future rencontre. Un rendez-vous. Autour d'une table. Qui sépare nos deux chimies. Une table qui te distingue de moi. Qui conserve la distance. L'espace entre toi et moi est palpable. Je la sens. Un parfum épicé des bois, de la mer, de la musique, du subterfuge. Un parfum à peine senti, à peine humé. Qui me manque, déjà. Qui me manque comme étant ce qui n'est pas, ou ce qui a été, à peine un instant. De lueur jaune. Sous le lampadaire, j'inspire ta présence. Mauve. Elle a un reflet fantomatique, translucide, absent. Ton parfum. Je l'ai déjà oublié. Mais il me fait défaut. Son écho résonne à mon oreille. Telle une musique de fête. Un chant joyeux. Déjà lointain. Presque perdu. Ton parfum sur mon oreiller. Oserai-je l'imaginer. Le sentir en rêve. Et le perdre de vue. Ton parfum. Si doux. Évanescent.

2010-09-22

saudades.

un mot qui ne s'explique que dans la distance. Du latin «salutatem», exil de soi, la saudade s'inscrit dans l'espace laissé vacant par une présence absente. Elle est le souvenir, la trace, évanescente, qui fait retour, constamment; elle est le spectre qui hante, suit; elle est l'ombre de ce qui jamais plus n'a été.

Estou com saudades
La saudade m'atteint au visage, elle imprègne sa douce violence tranquille, au détour d'une image, d'un objet. J'ai soudain une vision, d'une clarté effrayante parce qu'impossible, ramenée par le ressac de la mer se rabattant sur mon corps entier. J'entre dans la douleur pure du blanc, qui me guide vers ton antre maritime, ton univers inachevé. J'avais oublié. Oublié le décor. Oublié la fraîcheur du vent sur ma nuque. Oublié ta voix pendant l'amour. Oublié l'empreinte de ta tristesse sur mes joues. Oublié cette clarté blanche le jour de ton départ, cette lueur des premiers rayons du matin qui satine le ciel d'une mince pellicule.
Esquecera... Esquecera...
Tenho saudades
Ce qui n'est pas, n'est plus, n'a jamais été, me manque. Je ressens en moi une lourdeur immatérielle qui me rappelle que je porte le poids de ce que j'ai perdu.
Ce n'est pas toi qui me manque, toi objet-visage-trace à peine perceptible. Ma carence est la part de moi qui me fait défaut, que tu m'as arrachée.
Estou morrendo de saudades
Je me meurs de me savoir si loin de moi. Moi qui m'étais retrouvée dans la distance. On m'a jetée dans la mer en pleine tempête, et j'ai eu peur d'être libre.
Maintenant, j'ai peur de ne plus jamais revoir la lueur de la liberté.
Saudades, saudades, saudades
Désirer. Désirer. Désirer à la fois ce qui ne viendra jamais et désirer l'attente. L'attente comme motif récurrent aux abords de la vie. L'attente joyeuse d'un bonheur à jamais relayé dans un souvenir effacé. L'attente, à jamais réactualisée dans le désir, ultérieur, le désir, persistant, qui nourrit le manque.
Saudades do que nunca foi
Une tension. Insoutenable. Entre la vie et la mort, le palpable et l'imaginaire, l'illusion du retour et le retour de l'illusion. L'être tendu par la carence et le désir qui sans fin sabotent le réel.
Saudades, un sentiment de forme ovale qui se referme éternellement sur lui-même, qui aspire le sujet en son centre.
Saudades, le besoin irrationnel d'une image ou d'un chant rendus confus par l'absence, et se matérialisant dans le rêve.
Saudades, un temps en processus d'écroulement, en dévolution, qui disperse les chimères d'un passé inventé. Inatteignable.

La saudade est solitaire, est à l'intérieur de soi comme une pierre battant des ailes.
Je pleure ou je chante ou je crie.
La réalité tient dans le rêve.
Ce qui nous manque est peut-être plus réel que ce que l'on a véritablement.