«La pensée pense ce qui la dépasse infiniment»




2010-12-18

sonhei com você.

J'ai rêvé de toi, sonhei com você, il m'apparaît tellement plus beau de rêver «avec» toi, en portugais. J'ai alors le sentiment que l'acte (ou le non-acte) de rêver est partagé, qu'il demeure un lien entre nos deux inconscients, que rêver avec toi implique réciprocité, échange, présence. «simultanéité dans le Temps». En français, «rêver de» présuppose déjà une distance, un éloignement entre la personne qui rêve et ce à quoi elle rêve, les éléments sont si détachés... alors qu'un rêve, de toi et de moi, un rêve est un retour à la fusion, perdue certes, mais rendue dans le rêve comme un espoir nouveau. Il me semble que rêver avec toi m'apparaît comme une possibilité réaffirmée dans l'univers. Un possible de notre impossibilité reconduit dans mon inconscient.

Tu es apparu. D'abord en retrait, un peu à l'écart. Et j'ai su que c'était toi. J'ai su que c'était toi et j'ai tremblé, j'ai senti mon corps frissonner à l'idée de ton nom. Tu étais là. À quelques pas de moi. J'ai d'abord détourné le regard. Tu es venu vers moi. Je t'ai regardé. C'était bien toi, mais tu ne te ressemblais pas tout à fait. Tu semblais vieilli, des mèches de cheveux blanches couvraient presque ton visage. Nos lèvres se sont touchées. À peine. Comme si tu ne pouvais franchir une certaine limite. On se touchait comme l'on touche une idée, c'est-à-dire qu'on manque à la saisir. Comme si tu n'étais là qu'à demi. Tu étais mince, si mince, ton corps me paraissait encore plus petit, frêle, sous les vêtements. Je ne me rappelle plus les vêtements. Tu avais ton bateau, là, accosté non loin. Ton bateau qui avait peut-être doublé, triplé, de volume, ton bateau qui me semblait presque un bateau de croisière. On me faisait remarquer que tu étais là depuis déjà un moment, ancré ici. Pourquoi ne t'avais-je pas vu auparavant? À cause de la voix, de cette autre voix, qui, toujours, est présente dans mes rêves. Ni la mienne. Ni la tienne. Une seconde voix d'homme. Qui régit, détourne mes pensées, mes images. Ton image. À-demi absente. Un toi vieillit. Et moi ? Je n'arrive pas à me voir. Ni à me rappeler la fin du rêve. Au réveil, j'ai constaté ton absence, toujours là. Et y ai senti une présence si forte, si pure, qu'elle triomphait de toute présence véritable.

Le lendemain, j'ai trouvé ce poème, sur un mur,
dans le centre-ville.

Tu l'as écrit pour moi, peut-être.

La texture des lettres comme le grain de ta peau.

fragment d'artaud.

Je dis ce que j’ai vu et ce que je crois ; et qui dira que je n’ai pas vu ce que j’ai vu, je lui déchire maintenant la tête.
Car je suis une irrémissible Brute, et il en sera ainsi jusqu’à ce que le temps ne soit plus le temps.
Ni le Ciel ni l’Enfer, s’ils existent, ne peuvent rien contre cette brutalité qu’ils m’ont imposée, peut-être pour que je les serve… Qui sait ?
En tout cas, pour m’en déchirer.

Ce qui est, je le vois avec certitude. Ce qui n’est pas, je le ferai, si je le dois.

Voilà longtemps que j’ai senti le Vide, mais que j’ai refusé de me jeter dans le Vide.
J’ai été lâche comme tout ce que je vois.
Quand j’ai cru que je refusais le monde, je sais maintenant que je refusais le Vide.
Car je sais que ce monde n’est pas et je sais comment il n’est pas.
Ce dont j’ai souffert jusqu’ici, c’est d’avoir refusé le Vide.
Le Vide qui était déjà en moi.

Je sais qu’on a voulu m’éclairer par le Vide et que j’ai refusé de me laisser éclairer.
Si l’on a fait de moi un bûcher, c’était pour me guérir d’être au monde.
Et le monde m’a tout enlevé.
J’ai lutté pour essayer d’exister, pour essayer de consentir aux formes (à toutes les formes) dont la délirante illusion d’être au monde a revêtu la réalité.

Je ne veux plus être un Illusionné.
Mort au monde ; à ce qui fait pour tous les autres le monde, tombé enfin, tombé, monté dans ce vide que je refusais, j’ai un corps qui subit le monde, et dégorge la réalité.
J’ai assez de ce mouvement de lune qui me fait appeler ce que je refuse et refuser ce que j’ai appelé.
Il faut finir. Il faut enfin trancher avec ce monde qu’un Être en moi, cet Être que je ne peux plus appeler, puisque s’il vient je tombe dans le Vide, cet Être a toujours refusé.
C’est fait. Je suis vraiment tombé dans le vide depuis que tout, - de ce qui fait ce monde, - vient d’achever de me désespérer.
Car on ne sait que l’on n’est plus au monde que quand on voit qu’il vous a bien quitté.
Morts, les autres ne sont pas séparés : ils tournent encore autour de leurs cadavres. Et je sais comment les morts tournent autour de leurs cadavres depuis exactement trente-trois Siècles que mon Double n’a cessé de tourner

Or, n’étant plus je vois ce qui est.
Je me suis vraiment identifié avec cet Être, cet Être qui a cessé d’exister.
Et cet Être m’a tout révélé.
Je le savais, mais je ne pouvais pas le dire, et si je peux commencer à le dire, c’est que j’ai quitté la réalité.

C’est un vrai Désespéré qui vous parle et qui ne connaît le bonheur d’être au monde que maintenant qu’il a quitté ce monde, et qu’il en est absolument séparé.
Morts, les autres ne sont pas séparés. Ils tournent encore autour de leurs cadavres.
Je ne suis pas mort, mais je suis séparé.

2010-11-21

loi (s) et mystère(s) du cosmos.

Outre les forces mises en place par la terre pour déplacer les sols et libérer l'énergie propre à l'écoulement final et fatal du magma, il me semble primordial de s'attarder d'abord à ce fil invisible qui relie le ciel à la terre, et qui se multiplie, invisible, dans l'espace, formant, par sa force magnétique, le cosmos.

Non, enfin, tout commença par une pomme, avant même la formation de l'univers. Une Pomme, jetée d'encore plus haut, qui tomba sur la tête d'un homme et fut croquée par une femme.

Avant la création du monde, il y avait l'innocence, également connue sous le nom de Néant, car, à proprement parler, elle n'exista jamais. Côtoyant l'innocence ou le néant flottait le silence, qui vaquait à l'occupation de se taire, car ne ressentant pas le besoin de faire autrement.

Puis, il y eut le désir. Responsable de l'attraction entre les corps. Lequel amena le péché, irrésistible, commis par la femme (inévitablement). Le péché fit se déchaîner les forces sombres mais créatrices au fondement de la terre des hommes, lesquelles éjectèrent l'homme et la femme de l'énergie stable primordiale pour les laisser atterrir durement sur les sols volcaniques. La chute tributaire de la formation gravitationnelle fut douloureuse. Elle initia le premier cri.

Le premier cri fut presque inhumain. Il s'ensuivit les babillages qui contenaient toutes les langues qui existent à ce jour. Puis, le cerveau se latéralisa jusqu'à la formation originelle de la langue d'Eve (en forme de serpent).

Ainsi, l'être humain, qui avait ressenti la douleur de la chute formant le cosmos, se trouva devant la nécessité de s'exprimer. Il inventa les mots (ou les idées?) qui se déformèrent avec le temps, l'écart entre leur forme et leur signification se faisant de plus en plus grand. Il les plaça dans un système selon un ordre établi (par qui?), les hiérarchisant, rendant leurs valeurs dynamiques quoique dénuées de leur pureté et purgeant leur sens dans l'antagonisme et la violence des forces en opposition, l'une en écrasant une autre. Le combat était commencé. Le chaos originel résultait tout simplement du péché d'existence. L'homme (ou plutôt la femme..!), ressentant le besoin d'exister en tant qu'être humain, commit le péché du langage. L'homme, jaloux de la Nature, devint poète, mettant en vers sa vision de l'univers et l'organisant comme s'il l'avait lui-même créé en l'actualisant par les mots. Et voilà que je me plais à discourir sur l'origine du cosmos alors qu'il était là bien avant moi, et que la moindre coulée de lave tapissée de mots explosant la preuve de mon existence n'est qu'une chimère, un mythe, un mensonge. Un péché d'orgueil. Un poème.


Comme tes lèvres sur les miennes, les mots me manquent et sonnent faux. Car ils me sont tombés du plus-haut du ciel et j'ai osé y goûter.

2010-11-19

l'exister anonyme.

À présent, j'ai beaucoup trop de mots que je voudrais dire et que je n'ose, des mots silencieux, des mots hésitants, des mots brûlants, des mots... risqués?

Je m'égare. Voilà bien longtemps que je circule en retrait du chemin.

En fait, je me suis déjà trop enfoncée dans cette forêt dense et riche des mots: rimés, ravalés, ralentis, répudiés, réprimés, repris, relancés, récupérés, rejetés, résignés, rattrapés, réinvestis, rognés, relus, redits, revisités, répétés, remâchés, retournés, reformulés... mais toujours et inévitablement, sacrifiés.

La densité de la forêt noire est nécessaire pour écrire des mots hors-jeu, hors-champ, hors-norme, hors-piste, hors-sujet. Et comme canevas, un papier jauni, une peau de bête préhistorique. Sauvage.

J'ai décidé de me fabriquer un langage hors-temps. Une vérité d'avant les mots, une vérité pré-humaine, pré-sentie. Des mots plein les marges et plus rien au centre. J'ai décidé de me perdre. Si cela peut constituer un choix.

J'aurais donc un discours vide? Il est un trop plein de mots qui débordent du papier, et plus rien pour les retenir sur la page. Et pourtant demeure ce besoin d'être entendue.Même dans l'absence. Et je continue de parler en silence. Immergée et profondément seule.

Plus rien pour aimanter les mots vers le noyau central. Je tiendrais un discours du non-sens? Peut-être. De la folie? Possiblement.

De la passion, vous dirai-je.

2010-11-17

échelle de Jacob.

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Je dois vous faire part de mes États concernant cet astre qui parfois le soir frappe à ma fenêtre pour ainsi me repaitre de ses chants lyriques et champêtre, et m'envoûter, en un rayon, de son éclat.


En effet quand s'installe la nuit noire,

et que pointe le reflet dans le miroir

mon visage dans la clarté de la Lune

m'apparait comme du désert, une dune.


Alors la raison, austère, de mon visage s'évade

Et ne reste que mon imagination, en cascades

Qui gagne peu à peu mon esprit fertile

et dans une gymnastique, ma foi, agile


Montent à moi avec la Lune, les mots.


Les mots me viennent de l'Autre Monde

et dans une percée audacieuse fécondent

des pensées, le jour, dissimulées

lesquelles la nuit de leur tanière, osent

fragiles, dangereuses, comme les épines d'une rose

poindre, cortège de la Lune dépêché.


La fièvre s'abat sur mon corps fébrile

Assailli de tous ces mots, de prime abord, hostiles

trahissant ce qu'à l'éveil je suis

je me métamorphose une fois endormie

Le pouvoir de la Lune est puissant

et au matin, toute de blancheur, j'ignore

que les forces du sommeil, peu à peu, me dévorent.


De fil en aiguille, je ne puis plus détecter

une fois toutes ces nuits passées

si de la réalité ou du rêve je tiens

ainsi que de tout l'être humain


Je me demande, de la Terre ou de la Lune

À lequel de ces astres répond-il

Et lequel, au juste, le place en exil.


Diable, qu'en savons-nous exactement!


Et si de la Lune, ses habitants

Regardaient la Terre avec le même envoûtement?

2010-11-06

poème de beckett.

que ferais-je sans ce monde sans visage sans questions
où être ne dure qu’un instant où chaque instant
verse dans le vide dans l’oubli d’avoir été
sans cette onde où à la fin
corps et ombre ensemble s’engloutissent
que ferais-je sans ce silence gouffre des murmures
haletant furieux vers le secours vers l’amour
sans ce ciel qui s’élève
sur la poussière de ses lests
que ferais-je je ferais comme hier comme aujourd’hui
regardant par mon hublot si je ne suis pas seul
à errer et à virer loin de toute vie
dans un espace pantin
sans voix parmi les voix
enfermées avec moi

2010-10-29

la vie est un cirque.

Mon rôle:
Jongler avec des quilles en feu qui ne manquent pas de tomber au sol pour me brûler les orteils, et les reprendre, quand même, à chaque fois.

Se demander ensuite s'il ne vaudrait pas mieux attendre que le feu s'éteigne avant de recommencer à jongler, mais penser que des quilles froides feraient moins d'impression sur le public.

2010-10-28

nonobstant.

J'ai besoin de savoir, tout simplement, pour des raisons non-valables, non-conventionnelles, non-rationnelles, non-mathématiques, non-institutionnalisées, non-légitimes, non-concrètes, non-définies, non-réfléchies, non-dites, non-chronologiques, non-linéaires, mais non pas moins présentes.

Dans la négation de tout ce qui est reste l'espoir, et le doute.

Juste un mot. Pour savoir.

2010-10-26

balade à vélo.


J'ai toujours tes cheveux,
enroulés autour de mes chevilles.
J'ai toujours ton regard, bleu,
au creux du mien. Fermé.
Ce que racontaient tes yeux,
je n'ai jamais su le déceler.
Adieu.
Ou encore... … … Ils vacillent.

Un couloir de feuilles d'automne, de jaune et de rouge. Tapisserie en forme de lentes traînées de peinture qui bordent ma route. De jaune et de rouge. J'avance. Voudrais ne jamais m'arrêter. À chaque coin de rue, une force m'oblige à freiner, et je ralentis, doucement, je ralentis, jusqu'à l'immobilité de mes pieds nus sur l'asphalte. Le jaune et le rouge prennent forme, réintègrent l'espace du monde réel dissipé par le mouvement, la vitesse, qui transforme les choses en traces. À chaque arrêt, tout redevient abrupt, solide, aiguisé. Les formes sont dures et je préfère leur liquéfaction momentanée lorsque je roule.


Je roule, vite, plus vite, et chaque intersection m'oblige à arrêter. À perdre de vue ma course, infinie, ma course, impossible, vers la fin de ce tunnel de jaune et de rouge. Mes freins ne fonctionnent pas bien. Je dois utiliser la force de mes pieds, pour ralentir mon élan. Mon élan est ce qui me permet de transgresser chaque moment, de l'outrepasser avant même qu'il ne se produise. Mes roues sont telles des propulseurs d'espoir, qui avancent, même sans moi, qui persistent, résistent à la froideur des routes. Me portent. Je les laisse me porter. Mes jambes, musclées, mes jambes, de plus en plus adaptées à ma course, fendent l'air de leur danse infernale en cercle autour des pédales. Mes mains, gelées, enserrent chaque poignée, les tiennent pour s'accrocher au décor. La route. Toute parsemée de jaune et de rouge. Les couleurs s'allongent sur mon passage, m'enveloppent dans leur tunnel illégal de beauté. De lumière.

J'ai toujours tes cheveux autour de mon poignet. Mon gage d'absence.

L'icône de mon ridicule.

Mon ridicule qui roule sur les rives d'une route sans raison ni relâche.

Mon ridicule qui résonne dans les rues, ravaudant au détour d'un rêve.

Qu'on me pardonne la folie du ridicule.

Mon ridicule qui déambule, circule, recule, bascule, stimule, accule AU MUR.


Et si mes pieds ne répondaient plus aux stimuli extérieurs? Si la prochaine intersection me laissait sans freins ou dans l'incapacité de? L'incapacité de freiner. Le désir d'avancer à toute allure, sans penser, le désir d'oublier avant même de réfléchir, avant même de vivre l'instant. L'instant dans lequel tout s'effondre sans même prendre le temps de se taire. De respirer. À quoi bon arrêter devant les sémaphores qui scintillent de jaune, puis de rouge, si le décor semble se volatiliser à mon passage? À quoi bon cesser ma course triomphante si le paysage s'étiole et tend à disparaître, les couleurs s'entremêlant, devenant de plus en plus diaphanes? À quoi bon arrêter si je suis déjà au-delà de ce mur, hors ces trois dimensions qui moulent mon corps en un bloc constitué de surfaces apparemment existantes et palpables?

Je n'ai pas su arrêter.

Ou n'ai pas pu.


J'ai déchiré la toile d'un bruit fracassant de roue rouillée et de roulade ratée sur le rebord de la route. La tapisserie s'est brisée devant moi, laissant voir ses entrailles blanches (l'envers d'un décor est toujours blanc) et me permettant d'entrer où je n'existais plus. D'entrer dans une autre dimension, inaccessible à l'humain, où les limites du réel se confondent dans l'espace et le temps. Seuls les fous peuvent y résider un moment, avant d'assister, à rebours, à leur perte matérielle. Le passage dans l'autre dimension n'est pas sans douleur.


Mon corps recroquevillé et tranquille s'allonge fébrile sur l'allée déjà lointaine d'une longue lourdeur légère.


Ne laissant qu'une tache informe. Orange.


Couleur ridicule.

2010-10-19

ulysse inversé.

Mon chant m'est sans cesse renvoyé tel une balle sur un mur blanc, implosant dans la poitrine et déchirant les entrailles.

Mon cri demeure coincé entre le coeur et la gorge, prisonnier d'une vapeur chaude, angoissante, qui bloque le canal.

Mes ultrasons, inaudibles, stridents, s'enfouissent au fond de l'océan et au creux de l'âme, impuissants.


Serait-ce possible que la sirène échoue à envoûter le marin, ou pire, que ce soit le marin qui ait condamné la sirène à attendre, sans voix, sur le rocher?

2010-10-09

janela.



a química dos corpos.

Au premier regard, ce qui fut notre amour tenait entre nous en un bloc intact qui encombrait la distance entre nos deux corps séparés. Le déchirement physique et temporel laissait malgré tout complète cette zone intouchée qui nous appartient et ne nous quitte pas, cet espace flottant, déserté, mais pourtant porteur d'une énergie, indéfinissable.

Estranho...
Nous, dans un huis-clos impénétrable. Je ne peux entailler ce temps emprisonné dans une bulle de cristal, ni ne parviens à percer à jour ce moment, si court, si long, passé avec toi, long parce qu'il étend ses racines dans la distance, court, parce qu'il n'est plus.

L'amour n'est donc après tout qu'une formule chimique, qu'une énergie qui circule entre deux entités matérielles, qu'une couche atmosphérique si mince qu'elle ne protège pas, laisse pénétrer ses rayons dangereux. L'énergie, une fois libérée, intoxique, et même rend fou, si elle ne tue pas.

L'amour est aussi destructeur que constructeur . L'énergie est pure, le coeur n'est jamais laissé indemne.
Estranho...

2010-09-27

le parfum.

Ton parfum, à mon oreille, se dissipe à mon contact rapide. Se répand, lentement dans mon cou, mon visage, mon corps. Ton parfum, prononcé, discret, inaccessible. Il me murmure des mots tendres, jolis, réservés. Réservés à une future rencontre. Un rendez-vous. Autour d'une table. Qui sépare nos deux chimies. Une table qui te distingue de moi. Qui conserve la distance. L'espace entre toi et moi est palpable. Je la sens. Un parfum épicé des bois, de la mer, de la musique, du subterfuge. Un parfum à peine senti, à peine humé. Qui me manque, déjà. Qui me manque comme étant ce qui n'est pas, ou ce qui a été, à peine un instant. De lueur jaune. Sous le lampadaire, j'inspire ta présence. Mauve. Elle a un reflet fantomatique, translucide, absent. Ton parfum. Je l'ai déjà oublié. Mais il me fait défaut. Son écho résonne à mon oreille. Telle une musique de fête. Un chant joyeux. Déjà lointain. Presque perdu. Ton parfum sur mon oreiller. Oserai-je l'imaginer. Le sentir en rêve. Et le perdre de vue. Ton parfum. Si doux. Évanescent.

2010-09-22

saudades.

un mot qui ne s'explique que dans la distance. Du latin «salutatem», exil de soi, la saudade s'inscrit dans l'espace laissé vacant par une présence absente. Elle est le souvenir, la trace, évanescente, qui fait retour, constamment; elle est le spectre qui hante, suit; elle est l'ombre de ce qui jamais plus n'a été.

Estou com saudades
La saudade m'atteint au visage, elle imprègne sa douce violence tranquille, au détour d'une image, d'un objet. J'ai soudain une vision, d'une clarté effrayante parce qu'impossible, ramenée par le ressac de la mer se rabattant sur mon corps entier. J'entre dans la douleur pure du blanc, qui me guide vers ton antre maritime, ton univers inachevé. J'avais oublié. Oublié le décor. Oublié la fraîcheur du vent sur ma nuque. Oublié ta voix pendant l'amour. Oublié l'empreinte de ta tristesse sur mes joues. Oublié cette clarté blanche le jour de ton départ, cette lueur des premiers rayons du matin qui satine le ciel d'une mince pellicule.
Esquecera... Esquecera...
Tenho saudades
Ce qui n'est pas, n'est plus, n'a jamais été, me manque. Je ressens en moi une lourdeur immatérielle qui me rappelle que je porte le poids de ce que j'ai perdu.
Ce n'est pas toi qui me manque, toi objet-visage-trace à peine perceptible. Ma carence est la part de moi qui me fait défaut, que tu m'as arrachée.
Estou morrendo de saudades
Je me meurs de me savoir si loin de moi. Moi qui m'étais retrouvée dans la distance. On m'a jetée dans la mer en pleine tempête, et j'ai eu peur d'être libre.
Maintenant, j'ai peur de ne plus jamais revoir la lueur de la liberté.
Saudades, saudades, saudades
Désirer. Désirer. Désirer à la fois ce qui ne viendra jamais et désirer l'attente. L'attente comme motif récurrent aux abords de la vie. L'attente joyeuse d'un bonheur à jamais relayé dans un souvenir effacé. L'attente, à jamais réactualisée dans le désir, ultérieur, le désir, persistant, qui nourrit le manque.
Saudades do que nunca foi
Une tension. Insoutenable. Entre la vie et la mort, le palpable et l'imaginaire, l'illusion du retour et le retour de l'illusion. L'être tendu par la carence et le désir qui sans fin sabotent le réel.
Saudades, un sentiment de forme ovale qui se referme éternellement sur lui-même, qui aspire le sujet en son centre.
Saudades, le besoin irrationnel d'une image ou d'un chant rendus confus par l'absence, et se matérialisant dans le rêve.
Saudades, un temps en processus d'écroulement, en dévolution, qui disperse les chimères d'un passé inventé. Inatteignable.

La saudade est solitaire, est à l'intérieur de soi comme une pierre battant des ailes.
Je pleure ou je chante ou je crie.
La réalité tient dans le rêve.
Ce qui nous manque est peut-être plus réel que ce que l'on a véritablement.

2010-08-30

cansaço.


Je suis cet homme au dos voûté et à la démarche ralentie par la vieillesse et la fatigue.

Je suis ce vieillard qui lentement suçote l'une de ses "seize pierres" gardées précieusement et polies par la mer.

Les pierres, réparties dans chaque poche, ont perdu il y a déjà bien longtemps la saveur douce et salée des flots caressants.

Je suis cet être sans origine ni destination (ou qui les a perdues ou oubliées), et pourtant ne cessant jamais sa longue marche vers on-ne-sait-où.

Je suis celui qui a tant de lucidité sur la vie naturelle et les choses, en a tant palpé chaque morceau, chaque recoin de sa consistance lourde qu'il en a perdu la conscience.

Seules la conscience de l'inutilité de la conscience et la vision du hasard catatonique demeurent, dans un terrible désarroi et une angoisse telle qu'elle invite au sommeil.

Je suis ce vieillard boitant qui déambule tranquillement et dort au hasard des chemins.

Pris entre l'abasourdissement nauséeux de la vie et la futilité de la mort.

Vivant.

2010-08-26

Attraversiamo.

Há um tempo em que é preciso abandonar as roupas usadas, que já tem a forma do nosso corpo, e esquecer os nossos caminhos, que nos levam sempre aos mesmos lugares. É o tempo da travessia: e, se não ousarmos fazê-la, teremos ficado, para sempre, à margem de nós mesmos.

- Fernando Pessoa -

2010-08-24

Soneto duma noite de solidão.

Lua cheia e um desejo crescente
De estar violentemente apanhada.
Do contraste da luz na teia escura
Aparece o teu corpo ardente.

Peço, tremulando, "prende minha boca"
Abaixo do céu sem nuvem nem ruido.
Teu braço forte toma o silêncio
Enquanto aperta a minha garganta.

Da dor alegre que occore nos sonhos
Dos prazeres lascivos e proibidos
Revela-se o teu olhar brilhante.

Nossos corpos unidos batem de paixão
Pois é, no ar estranho de luz nascente
Ao amanhecer se perde a ilusão.

2010-07-21

mon double (ou la moitié de moi).

Quelqu'un, quelque part, possède mon nom, mon année de naissance, ma signature, un permis de conduire que je n'ai jamais eu, et tout mon argent.
Et je n'ai aucune idée qui est cette personne, et pourtant j'ai l'impression qu'elle a tout de moi sans rien avoir.

Ce que je suis ne tient dans aucune carte ni aucun numéro; ce que je suis se répand de plus en plus, et se déverse vers l'extérieur, «torrente selvagem de mim».

Ce que je suis n'est pas intègre ou juste ou singulier ou parfait ou cohérent ou moral ou construit ou simple ou entier.

Être une personne entière. De la tête aux pieds. Du cœur au cerveau. De la racine des cheveux aux bouts des ongles. Être en soi-même tellement imbu de sens que l’on s’érige tel un monument national, un arène, un théâtre. Un seul nom, une seule signature, «uma unica lingua», deux initiales pour un tout.
Solide.

Puis, il y a le déchirement, le démantèlement de l'être unique et précieux. Son dédoublement imprévu.
Je suis maintenant multiple et dispersée et je me perds dans une mer déchaînée de non-sens ou de polysémie. Je tends vers la pluralité et mes bras sont tels de longues racines qui poussent et se répandent dans cette terre humide et fertile. «Cheia de pensamentos e de complexidade».
J'ai vu mon double filer avec la totalité de mon compte en banque et j'ai souri.
Je ne suis pas ce que j'ai ni ce que je parais être. Je suis un mouvement.
«Estou uma enigma, um segredo».

Être mon double. Me décupler. Ne plus répondre à aucune loi. En sortant du système, en orbite de la terre, je serai ravie de me voir, avec la mallette pleine d'argent et un immense chapeau de forme ovale et penchant légèrement vers l'avant.
«Estou livre».
«Nous sommes libres», je l'entends répéter. Elle est près de moi. Je ne connais pas son nom, mais elle sait tout de moi. Enfin, elle connaît les lettres qui composent mon nom.
Et l'initiale.
m.

Je l'attends. Comme toi je t'attends. Dans cette autre réalité tout aussi réelle que la précédente, l'actuelle ou celle qui suivra. Peut-être même te trouves-tu avec elle en cet instant.

Elle porte un large chapeau et son rire résonne dans les profondeurs de l'océan.
Elle fume paisiblement une cigarette sur le bord du quai.
Elle est avec toi.

«Feliz».

Et je ressens sa joie au même moment.

2010-07-20

maresia.

«l'odeur de l'océan», un mot pour contenir cet amalgame salé, amer et magnifique de mélancolie:

----- maresia -----

Ce mot court, joli, discret, la mer (mar) qui ferme les ailes (siar),
c'est moi qui ferme les yeux en plein vol.

Mes yeux se ferment sur l'océan, sur l'odeur de la mer, maresia mágica, et je vois cette ligne continue de bleu qui s'évapore dans les embruns, ces mêmes embruns qui t'ont rendu triste. À la lueur rose du matin, j'aperçois les ailes de ton bateau qui s'éloignent, j'aperçois mon rêve qui se lève dans l'horizon limpide, clair, mais insaisissable.

Je retiens mon souffle. J'ouvre les yeux. Et puis, plus rien. Et puis. Une autre journée passe.

Plus réelle que la précédente.

Plus réelle?


La maresia me rappelle à toi. J'inspire son odeur imaginaire.

2010-07-16

méditation.

Une grande inspiration, du ventre à la poitrine, un souffle plus ample que le vent, de l'abdomen au coeur. Une respiration lente retenue un instant à l'orée de la gorge, puis exhalée doucement, doucement.

Les deux mains croisées sur le coeur, une autre expiration, plus lente encore et qui se répand dans tous les membres.

Les bras, les jambes, le bassin, la tête, la bouche se détendent.

Un mutisme d'église résonne dans le corps, fait écho, comme si l'enveloppe corporelle se vidait, se vidait de plus en plus, à chaque respiration.

/ Inspiration. Expiration. / Inspiration. Expulsion. /
/ Inspiration. Expatriation. / Inspiration. Exorcisme. /

Tranquillement, mon propre souffle raccorde les frontières de mon être, rassemble mes peurs, mes sentiments, tout ce qui me constitue, et les rejette vers l'extérieur. Encore. Et encore. Je m'expulse vers le dehors peu à peu, mais le poids, lourd, qui est ma substance et qui s'ancre dans ma poitrine, dans sa désagrégation lente, heurte, heurte, mon coeur. Je subis cette douleur aigüe qui perce mes mains appuyées contre mon coeur en tentant de s'évader, de partir. Mon corps, en s'allégeant, fait ressentir sa lourdeur; mon corps, en se dépouillant de mes entrailles, force un passage par la gorge. Mais je ne peux hurler, je reste muette, immuable de piété face à cet acte de sabotage de mon être. Je veux devenir cette coquille vide, mais je ne peux le permettre. Mes larmes demeurent accrochées derrière mes yeux clos, mon cri étouffé dans ma gorge et ma cage thoracique qui inspire .... expire ... retient ... relâche ...

Puis, je cesse de combattre, je cesse d'avoir mal. La douleur s'adapte à mon corps et à mon esprit, se perd dans un lieu sans borne ni même de teneur matérielle. Je n'habite ni mon corps, ni la terre, ni l'univers, ni moi-même, je flotte quelque part entre le bleu et la lumière, quelque part entre le voyage et le ciel.

Et alors il n'y a que toi et que tes yeux, qui me regardent, qu'une image fulgurante et évanescente de toi qui surgit et m'offre cet espace -- ton visage -- où je peux résider.

Et j'expire une dernière fois l'air diffus.

Enfin calme.

Porque posso te sentir perto de mim, tão perto, que teu sopro se mistura ao meu....... numa mesma exalação -----

2010-07-02

o encontro que nunca foi.

Une robe bleue. Courte. Légère. Aux fines bretelles et enserrant la taille.

Un bleu marin. Bleu, non pas comme la sagesse, ni comme le ciel ou la mer. Bleu foncé. Mouvant. Comme si la robe valsait sur son corps longeant doucement le quai. L'angoisse au ventre. Bleu comme la folie, bleu comme le fantasme, et bleu chatoyant, soyeux et téméraire.


Bleu comme la distance entre ses doigts délicats au vernis rouge et sa bouche, charnue, à chaque bouffée de cigarette. Tremblant. Oscillant.
Bleu comme ne tenant pas dans les pans du réel. En marge de l'arc des couleurs. Bleu comme qui est aveuglé par la lumière. Une blancheur bleue qui fait plisser les yeux.
Un mirage.


Elle avançait le long de l'allée, belle inconnue de bleu, s'estompant progressivement , sa présence si ténue qu'elle semblait disparaître. Elle avançait vers lui, qui était drapé de blond et brillant comme une étoile vouée à la dissolution dans l'univers. Arriverait-elle à s'en emparer avant sa déconstruction dans le cosmos?
Le cosmos. Bleu.


Ses lèvres voulaient goûter la lumière, se consumaient de l'envie indécente de s'y engouffrer comme par l'espace entrouvert d'une fenêtre. Sa bouche se perdit en lui d'un geste franc, passionné, le bleu de sa robe épousant parfaitement le doré de sa peau. La collision entre leurs deux visages se fit sans pudeur, avec un abandon et une sincérité tels qu'ils crurent avoir atteint l'extrémité du palpable, au risque de tomber dans la béatitude du néant.

Comme une chute interminable vers les confins d'un désir à jamais inassouvi.

Leurs corps brûlants se mêlaient à présent dans un drap orné d'or et de bleu battant au vent dans tous les sens. Le décor extérieur se dissolvait dans cette étreinte pour ne laisser place qu'à la couleur de leurs peaux, tremblant l'une contre l'autre. Ses mains caressant fougueusement chaque fragment de son corps la fit frémir, ses yeux étaient ancrés dans les siens, ne quittant jamais son regard. Par peur de la perdre.

Par peur de perdre l'illusion.

Ils étaient unis dans un besoin irrésistible de fuir l'un en l'autre, comme l'encre fuit sur la page dans un torrent de mots tumultueux.

Une vague noire et dangereuse vint les envelopper dans un ultime moment de plaisir, puis mourut sur la berge, emportant avec elle la robe bleue.

Bleue comme une sirène.

Ou comme un souvenir.


2010-06-27

Ter um destino e não caber no berço onde o corpo nasceu, e transpor as fronteiras uma a uma e morrer sem nenhuma.

- Miguel Torga -

2010-06-15

rien.

Rien n'a changé, en fait tout est trop pareil, trop blanc, trop bruyant, trop superficiel, trop amer. Le monde, si grand, redevient petit au fur et à mesure que le piège m'enserre et me sature de faux-semblants. Impression de déjà-vu. Et cette pierre qui se replace si facilement au creux de mon ventre. Je croyais l'avoir laissée derrière moi cette pierre trop lourde et trop grise, je croyais l'avoir jetée à la mer. J'ai encore ce poids terrible qui me tire vers le sol, j'ai encore cette angoisse comme moteur face à un monde cruel. Je voudrais parfois hurler, jeter mon pain sec contre le mur, leur faire ma plus belle révérence, et partir.
Partir.

Retour forcé de l'automate. Je deviens soudainement double, je me toise moi-même du regard, de l'autre côté du comptoir, je me regarde attentivement, et je ne me reconnais plus. Je ne comprends pas ce que je fais là, toujours derrière ce même comptoir. Mon «moi» se divise radicalement et je n'arrive plus à en rallier les deux parties, une des deux devra mourir. Et j'ai bien l'intention que ce soit ce «moi» derrière le comptoir qui cède.
Comme il se doit.

Rien n'a changé. Moi j'ai changé. En fait, plutôt qu'une troisième jambe, c'est un chapeau qui a poussé, un petit chapeau rouge et luisant qui me fait comme un charme: appelons-le l'égo, même si ce terme a été maintes fois critiqué par notre société moderne et fatiguée qui prône la perte de l'égo pour l'atteinte de la paix et de la sérénité. Être humble, bien-sûr, mais ne faut-il pas aussi pousser l'esprit à se dépasser, à voir au-delà du possible, à rêver? Ne faut-il pas - outre lâcher prise bien-sûr- persévérer quand c'est difficile, quand un monstre nous gruge les entrailles, ne nous devons-nous pas d'aller au fond des choses, de vivre intensément, dramatiquement? Ce haut de forme rouge (oui c'est plutôt un haut de forme) me redonne fière allure, me permet de conserver ma vision. J'ai eu une vision. J'ai assemblé des visages, des paroles, des expressions, des histoires, qui m'inspirent, m'ouvrent la voie, me montrent que l'univers des possibles est infini.

Avoir une vie différente. Extraordinaire. Hors de tout, hors d'ici, hors du temps, hors de moi, hors des frontières, et surtout hors de cette fille aigrie derrière le comptoir.

Rien n'a changé. Je suis toujours ce que tes yeux m'ont renvoyé. Je suis cette beauté, cette force; et aussi cette tristesse, cette vulnérabilité, que ton regard caressant ma peau m'a reflétées. Je suis ces morceaux épars et brisés qui me composent, de manière chaotique; je suis la mer, déchaînée et dangereuse, je suis aussi l'écume, aussitôt effacée par le passage de mes vagues.

Alors que tout nous dicte la vie sédentaire, la sécurité, le fond de pension, la stabilité; je veux l'aventure, le désordre, la mouvance, le danger. Je veux, d'échec en échec, me diriger vers ma propre victoire.

Ma passion sera mon chemin; la douleur, mon salut.

Uma dor alegre.

2010-06-07

realidade.

Me voilà rentrée en terre promise, mais il me semble que cette terre est bien poussiéreuse et terne avec ses pavés de béton et ses bruits assourdissants.

Ma douce mer me manque déjà terriblement avec ses étendues infinies de bleu et ses vagues houleuses et paisibles. La mer, unique porte d'entrée vers l'abyssal, lieu de tous les possibles. L'impossibilité inachevée. A loucura inalcancavel.

Si seulement ma réalité pouvait se fondre dans ce moment trop court contenu entre mon ciel et tes draps, entre ton corps et ma peau, entre mon désir et ta jouissance.

Si seulement ma réalité pouvait naviguer et se moquer des tempêtes, se moquer des cris stridents sur la berge, se moquer de ceux qui restent derrière, se moquer de moi.
Et j'échouerai dans un grand rire tonitruant.

Mais ma réalité fuit, continuellement, vers l'extérieur, comme une vieille bande de cinéma qui déraille et qui ne cesse de se dérouler, sans qu'on ne puisse l'arrêter, en accéléré sur fond musical de piano, jusqu'à l'épuisement, jusqu'à la consumation complète de la bande.

Si seulement ma réalité pouvait avoir le goût qu'ont tes lèvres, pouvait sentir cette odeur légèrement salée qu'a ta peau, pouvait être l' ivresse ressentie au contact de tes cheveux dans mon cou, pouvait se composer de cette lueur du petit matin dans tes yeux.

Si seulement ma bande pouvait tourner un peu dans le sens contraire, ou alors débloquer dans une autre dimension, je ferais de la mer mon plateau de tournage, et je ferais de nous deux des étoiles sur fond de ciel noir.

Ma réalité, un rêve.

En suspens.

2010-05-29

nada.

Aucune illumination. Aucune révélation. Que ce nada béant qui s'ouvre à mon passage, mais qui pourtant ne se referme pas sur moi. Étrange...

Au contraire, le nada est tendu vers l'extérieur, il part de moi pour s'ouvrir vers l'infini.
Un nada sans mat, mais avec le vent dans les voiles.
Propulsée...

Une liberté sans ancrage ni fin qui ouvre la voix d'un champ musical improvisé.
Un hymne dissonant: nada, nada, nada.

Un sourire plus large que le ciel.

Me voilà.
Devant rien.

2010-05-21

regressar.

J'aurais aimé rester prisonnière de ce laps de temps compris entre maintenant et maintenant.

J'aurais aimé me loger dans cet espace qui s'étend entre mon regard et le tien, et faire naufrage éternellement avec toi, mon corps comme moule parfait du tien.

J'aurais aimé conserver un instant l'infinie réalité éphémère de tes lèvres contre les miennes.

Si la réalité se situe dans la distance entre toi et moi, dans l'intervalle d'une note, d'un mot, d'un silence, ma réalité est immense comme mon désir de recroiser ton regard.

Et de ressentir la passion qui brûle sans même toucher.

Qu'un frisson ruisselant sur ma peau.

2010-05-16

paz.

Valeu a pena? Tudo vale a pena se a alma não é pequena.

- F. Pessoa -

2010-04-20

marche funèbre.

Une flûte de pan s'égosille à mon oreille alors qu'une voix aigüe s'élève, accapare chaque parcelle de mon être silencieux. Un mur du son s'érige autour de mon corps assiégé, et débute la transe intransitive. Saturation des voix, perte de ma voix dans un ensemble de sons indistincts. Le point culminant du son, ce moment où chaque note semble se dissoudre dans l'autre, se fondre en moi, ce point d'extrême plénitude ou de vide absolu me confère enfin une sérénité. Paz. Et le mur de retomber et de s'effondrer au sol comme la forteresse ne nous laisse qu'une archive en forme de débris. Le son d'entrer sous terre et mes pieds de se remettre à marcher. Chaque pas fait dans le silence est un pas de trop. L'angoisse tapie dans les rues de béton se jette à mes mollets et j'accélère ma course. Seule la guitare électrique m'empêche de m'affaler au centre de cette rue trop ensoleillée pour y croupir sous la lourdeur du quotidien. Et la musique, illusoire, permet la légèreté de la vie, ou enfin, ce simulacre de légèreté.

2010-03-16

à côté d'une absence.

Elle est allée au parc. À 23 heures. Comme prévu. Elle lui avait dit de venir la rejoindre. Qu’elle l’attendrait. Qu’elle l’attendrait. Elle savait. Elle savait pourtant précisément qu’il ne viendrait pas. Parce que le hasard n’a jamais été favorable. Enfin si. Au début.

Une fois le mouvement enclenché, il n’y a plus de place pour le hasard chaotique originaire. Les choses doivent prendre un certain ordre, entrer dans le registre du savoir. Et c’est là que tout est perdu. Il ne reste que cette trace lancinante, trace de la trajectoire des êtres entrés en collision puis dispersés dans l’univers. Fragmentés. Et pourquoi pas une réunification future?

Dans la mémoire, dans l’espoir, dans la promesse. Une fois la chose entrée dans le langage, il n’y a plus de moyens de la saisir (le fut-telle déjà ?), enfin nous ne pouvons que graviter autour du rayonnement de son noyau qui se gruge de plus en plus. Pour disparaître? Oui, probablement. L’ignorance ne peut revenir à celui qui sait. Même s’il fait tous les efforts pour oublier. Sa connaissance flagrante est telle qu’elle a tout détruit.

Elle l’a attendu jusqu’à 23hrs30. Et, comme prévu, il n’est jamais venu.

2010-03-04

tu m'as demandé.

Tu m’as demandé de te laisser un mot alors que j’en ai plusieurs, que j’en ai même trop qui circulent librement et de façon chaotique dans mon esprit. Un mot qui ne veut rien dire ou un mot qui sera voué à se perdre dans le réceptacle triste de ton mutisme. Un mot qui restera planté au sol,- car s’il tombe- , tu ne le rattraperas pas, - car s’il tombe- , tu le laisseras mourir lâchement en le regardant, impuissant, - car s’il tombe- , c’est qu’il n’y aura personne à l’arrivée pour le recevoir. Et surtout personne pour le relancer. Je voudrais te laisser plusieurs mots tendres, des mots sincères, des mots passionnés. Mais je dois les conserver, peut-être même les oublier ou les sublimer, car ils ne me seront pas rendus. Et je ne supporte pas de perdre un mot, - ce mot- , espoir.

Tu m’as demandé de te laisser une note, une note comme on en laisse sur la table de la cuisine, une note comme on rappelle un détail important, une note pour préciser la nature d’une pensée, une note de bas de page, une note de musique peut-être? Je commencerais la mélodie par un -si-, un long -si- strident, légèrement distorsionné, bien grave et frappant la cage sonore avec beaucoup d’écho. Je tiendrais la note et la reprendrais en boucle, à répétition, jusqu’à la douce perte de moi dans le son, jusqu’à cette transe bienveillante, jusqu’à saturation de la pensée dans un concentré de -si-. Et -si- jamais, et -si- non, et -si- tôt, et -si- ce n’est que, et -si- seulement, et -si- tu savais. Et si c’était vrai? Toutes les possibilités du doute fusent en une seule note, une seule, la seule que je sache jouer convenablement, le -si-lence.

Tu m’as demandé de te laisser un message, alors je me questionne sur le genre: un message cryptique et codé, un message mis dans une bouteille et jeté à l’eau pour disparaître et être lu trop tard et par la mauvaise personne, un message comme on en laisse sur le répondeur, un message télégraphique ou un message pour se rappeler, se rappeler à l’existence, se rappeler un -nous-. Je me rappelle le vin, le pain, la communion, l’adultère, la folie, l’absence. Je me rappelle nos mots qui résonnent, qui se répondent, dans l’empressement du retour, je me rappelle ta main, ma main, nos mains, réunies. Je me rappelle chacun de mes doigts dans ta bouche, un à un; je me rappelle l’insoutenable tension, nos corps sur le plancher de la cuisine, nos corps sous les draps. Je me rappelle tes yeux, parfois si doux, et ces mots que je tente d’oublier, car ils me font mal, me serrent le cœur, ces mots qui blessent qu’ils soient vrais ou faux, car ils ne changent rien. Tout est immuable, intact, immaculé. Rien ne bouge. Il n’y a qu’une fuite, qu’une lente décomposition de nous devant laquelle je reste impuissante. Qu’une fuite de toi vers l’extérieur, comme si le désastre t’avait rattrapé, happé dans l’après-coup et enlevé à moi.

L’unique message que je voudrais te laisser est celui de m’épargner. J’ai déjà trop souffert.

Épargne moi comme on ment parfois pour éviter de faire souffrir, épargne moi comme on tue sur le champ plutôt que de laisser mourir à petit feu.

Tu m’as demandé de te laisser un mot, une note, un message, mais je sais que je resterai seule avec mes écrits, et que je ferais mieux d'écrire à la troisième personne.

L'attente d'oubli est lasse et infinie.

Tout m’échappe à présent.

2010-01-13

il me faudrait.

Il me faudrait posséder un type d’encre particulier, une encre qui pourrait s’effacer à la mesure de son étalement sur la page et qui ne parlerait que par sa lente trace en constante dissolution. Une encre qui me permettrait de fuir infiniment, ou, du moins, qui se déroberait à ta lecture, dans sa dissémination sur la page. Tache d’encre sans contours.

Il me faudrait un papier légèrement usé par le temps, ou encore un papier froissé, que l’on aurait plié et déplié à maintes reprises, ou alors serré si fort dans la paume qu’il s’ouvrirait en autant de plis que ceux qui creusent mes mains. Peau de mots archaïques.

Il me faudrait ce crayon à mine grasse pour construire d’un trait grossier ce pont vers toi. Cette ligne sinueuse qui pâlit à chacun de mes pas fuyants. Mes constructions toujours chambranlantes, en déséquilibre dans leur instable certitude inquiétante. Ce crayon qui tente d’amoindrir cette distance qui nous sépare, cette distance nécessaire à notre existence découpée en trop de morceaux solitaires. Ensemble discontinu de nous.

Il me faudrait ces outils pour nous fabriquer un langage de mots utiles. Un simulacre de discours. De vérité. Il me faudrait ces outils pour nous fixer dans l’avenir. Mais je ne possède que la vie, sans excédent ni charpente. Que l’instant éphémère.

Je me trouve impuissante face à toi, sans encre ni papier, avec comme seul outil mon courage sur fond blanc, ma nudité plaquée sur un mur austère de froid. Prisonnière de cette caverne où je me suis moi-même enfermée.

Je voudrais comprendre pourquoi je reste tête baissée à regarder un sol poussiéreux et froid, encadrée que je suis dans cet espace si petit, si ridiculement petit, que je m’anéantis. Pourquoi me laisses-tu si peu d’espace? Je ne fais que disparaître de jour en jour, et cette toute petite fenêtre qui me renvoyait un peu de lumière se ferme peu à peu. L’espace que tu m’as offert ne me suffit plus, ne peut plus me contenir, et mes grandes ailes de femme préhistorique se meurent de ne pouvoir prendre de l’ampleur. Tu as pris soin d’arracher une à une mes plumes d’intimité en me laissant nue avec ma pauvre chair d’humain. Fragile. Tu m’as regardée dans toute ma vulnérabilité et dans ce miroir tes yeux m’ont été renvoyés. Tes yeux sont ceux du désir. De la chose. De l’objet. Moi : ton offrande.

Il me faudrait faire partie de ton rituel. Il faudrait que ma peau soit peinte en rouge et en noir et que mon sexe soit entièrement rasé. Tu réciterais quelques incantations, quelques formules incompréhensibles qui ne serviraient qu’à alimenter l’ambiance grotesque de la cérémonie. Il faudrait qu’on m’attache les mains et les pieds à un long bâton qui servirait à ma cuisson ultérieure. Moi. Ton sacrifice humain. Il faudrait que tu me baises avant de m’apprêter pour le souper.

Oui, je voudrais te ressentir, comme une broche me transperçant l'abdomen. J’ai cru que j’atteindrais ce qu’il y a de plus humain en toi par la fusion de nos corps. J’ai cru qu’enfin je parviendrais à toucher un peu de ta vulnérabilité. De ton humanité. Mais tu demeures dans le monde immanent des objets, de l’impénétrable et toujours fuyant présent. Et la futilité de l’âme humaine ne t’intéresse pas. Et l’amour ne t’intéresse pas justement parce qu’il est transcendant. L’amour est transcendant parce qu’il est invention, fabrication, construction, mensonge, théologie, et l’amour est tourné vers le futur et s’inscrit dans la durée. Le sexe, beaucoup plus attrayant, existe dans l’immédiat, et véhicule des émotions plus fortes parce qu’insaisissables. Insaisissables, parce que vraies. Je ne sais pourquoi mais je préfère encore être humaine et continuer à inventer, à mentir, à écrire, à rêver. Parce que le monde fascinant des choses, même s’il dure même après la mort de l’homme, n’a de valeur qu’investit par le regard de celui là (l’homme) qui ne l’a pas créé, mais s’est créé lui-même en lui. Alors ici, la notion de temporalité est à double tranchant : le monde des choses perdure dans un présent sans cesse répété, tandis que le monde des hommes se perpétue dans sa continuelle projection dans un avenir à jamais relayé. Dans sa foi immuable. Alors je me demande qu’est-ce qui nous donne un sentiment d’existence : l’intensité chaotique du moment ou la projection dans une construction imaginaire? Pourtant, je reste toujours les mains vides, le présent étant insaisissable et l'avenir peuplé de mensonges...

Il me faudrait créer une connexion, entre toi et moi, entre ce que je suis et ce que je veux être, entre mon désir et mon amour. Mais mon crayon ne fonctionne plus. Ma mine est cassée. Et seules restent ces longues traînées d’encre noire. Illisibles. Et mes mains sont tachées.

2010-01-12

stop.

Pourquoi le temps ne s’arrêterait-il pas maintenant : 19h38, la chambre noire, les vêtements par terre, les draps dépliés? Pourquoi le temps ne s’arrêterait-il pas maintenant : les membres engourdis, le vernis à ongle défait, les lunettes sales? Pourquoi ne pas me figer pour un moment, pour une journée, une semaine, un mois, un rêve. Un rêve d’éternité. Une lueur lente et doucereuse sur mon visage enfin reposé. Un répit. Et pourquoi pas une pause? Une pause café, une pause cigarette, un arrêt d’autobus, une sirène de pompier, un peu de givre sur mes paupières. Et qui a le contrôle de tout ça? Qui réglemente les instants, les dépits, les sanglots, les blessures. Pourquoi ne pas arrêter le temps sur une blessure. Ma plaie infectée. Figée enfin dans les recoins de cette chambre, entre le 19h et le 44. 44 maintenant. Six de plus. Six minutes de plus à me vivre. À me vivre dans le temps en constant remue-ménage. Je veux m’engouffrer dans cette minute de trop, cette minute inutile, et cette minute qui, comme moi, est immobile. Calme. Nerveuse. Je cours sur la feuille comme le temps, et pourquoi moi je ne m’arrêterais pas d’écrire?  19h 45. Fin. Fin. Fin. Fin. Bon voilà le temps s’est éteint. Mais mes doigts ne cessent de le rappeler, de le faire courir à bout de souffle sur la feuille. Vite. Vite. Vite. Mes doigts me rappellent à ma vie qui ne cesse, ne cesse, de courir sur la page. J’essaie de me rattraper sur la page, de courir après ces mots qui me dépassent, viennent après moi, ou me devancent, me pourchassent dans la lourdeur du temps qui file, file, file. 19h 48. Pas de répit. Pas de pause. Pause d’écriture. Doux subterfuge. Écrire serait prendre une pause? Une pause de quoi, de vivre; non. Jamais. Jamais, on ne peut arrêter ma vie de se poursuivre en moi. Pas même les mots, pas même la paresse. Ma paresse est le poids du temps et est la seule chose à la hauteur de la vie. Et l’écriture n’est qu’une ivresse passagère. Elle m’accompagne dans chacun de mes pas. Sur la page, elle me noie dans l’amertume d’un vin bon marché.

2010-01-11

écoute moi.

Ta musique est à mon oreille. Elle m'hypnotise comme ton corps qui valse au contact de ma peau. Chacune de mes pores s’ouvrent à toi. Prêtent à s’emplir de ton air. Comme des ventouses qui voudraient s’emparer d’un mur et s’y coller à jamais. Je suis prise sur la façade de ta peau. En demi-équilibre. Entre le sol et le ciel de ton corps qui me supporte à peine. J’ai peur de tomber, car je sais que ta main sur la mienne glisserait à son contact. Impossible de me tenir un moment sur ton socle. Impossible pour moi de me reposer à l’orée d’un amour précaire. Entre le désir d’avoir, de perdre ou de détruire. Perchée sur ta façade en escalade, je perds toute contenance et ma parole ment. Je suis muette et je cesse d’exister. Mais il me semble qu’il serait bon m’être avec toi. Que m’être me serait un peu moins lourd. Deux néants qui s’embrassent peuvent-ils former un tout? Tu me diras que non. Que de toute façon un rien ne se partage pas. Que de toute façon c’est plus simple d’exister par soi-même. Tu me diras que non. Et ton visage ne s’ouvrira plus jamais à moi. Ta mélancolique complainte sonore me partage ta douleur. Ta douleur. Si seulement tu me laissais parvenir à la frontière du haut mur de ton corps, je laisserais un doux baiser derrière ta nuque et tu ne serais plus seul. Mais tu as décidé de me faire prisonnière d’un jeu futile qui ne me cède que tes parois glissantes. Pourquoi ne me laisses-tu pas prendre ancrage sur l’une de tes attaches? J’ai mal d’essayer de grimper pour toujours retomber au flanc de ta montagne. Ne suis-je qu' un léger réconfort d’une vie que tu ne supportes de vivre? Une présence quelconque au coeur de ton amère solitude? Et moi qui suis là à te regarder en haut de ton château fort. Désarmée. Nue. Et toi tu ne prends qu’un fragment. Rejetant tous ces autres fragments de moi qui ne peuvent t’atteindre. Un cri sourd dans ton oreille droite.