«La pensée pense ce qui la dépasse infiniment»




2010-06-15

rien.

Rien n'a changé, en fait tout est trop pareil, trop blanc, trop bruyant, trop superficiel, trop amer. Le monde, si grand, redevient petit au fur et à mesure que le piège m'enserre et me sature de faux-semblants. Impression de déjà-vu. Et cette pierre qui se replace si facilement au creux de mon ventre. Je croyais l'avoir laissée derrière moi cette pierre trop lourde et trop grise, je croyais l'avoir jetée à la mer. J'ai encore ce poids terrible qui me tire vers le sol, j'ai encore cette angoisse comme moteur face à un monde cruel. Je voudrais parfois hurler, jeter mon pain sec contre le mur, leur faire ma plus belle révérence, et partir.
Partir.

Retour forcé de l'automate. Je deviens soudainement double, je me toise moi-même du regard, de l'autre côté du comptoir, je me regarde attentivement, et je ne me reconnais plus. Je ne comprends pas ce que je fais là, toujours derrière ce même comptoir. Mon «moi» se divise radicalement et je n'arrive plus à en rallier les deux parties, une des deux devra mourir. Et j'ai bien l'intention que ce soit ce «moi» derrière le comptoir qui cède.
Comme il se doit.

Rien n'a changé. Moi j'ai changé. En fait, plutôt qu'une troisième jambe, c'est un chapeau qui a poussé, un petit chapeau rouge et luisant qui me fait comme un charme: appelons-le l'égo, même si ce terme a été maintes fois critiqué par notre société moderne et fatiguée qui prône la perte de l'égo pour l'atteinte de la paix et de la sérénité. Être humble, bien-sûr, mais ne faut-il pas aussi pousser l'esprit à se dépasser, à voir au-delà du possible, à rêver? Ne faut-il pas - outre lâcher prise bien-sûr- persévérer quand c'est difficile, quand un monstre nous gruge les entrailles, ne nous devons-nous pas d'aller au fond des choses, de vivre intensément, dramatiquement? Ce haut de forme rouge (oui c'est plutôt un haut de forme) me redonne fière allure, me permet de conserver ma vision. J'ai eu une vision. J'ai assemblé des visages, des paroles, des expressions, des histoires, qui m'inspirent, m'ouvrent la voie, me montrent que l'univers des possibles est infini.

Avoir une vie différente. Extraordinaire. Hors de tout, hors d'ici, hors du temps, hors de moi, hors des frontières, et surtout hors de cette fille aigrie derrière le comptoir.

Rien n'a changé. Je suis toujours ce que tes yeux m'ont renvoyé. Je suis cette beauté, cette force; et aussi cette tristesse, cette vulnérabilité, que ton regard caressant ma peau m'a reflétées. Je suis ces morceaux épars et brisés qui me composent, de manière chaotique; je suis la mer, déchaînée et dangereuse, je suis aussi l'écume, aussitôt effacée par le passage de mes vagues.

Alors que tout nous dicte la vie sédentaire, la sécurité, le fond de pension, la stabilité; je veux l'aventure, le désordre, la mouvance, le danger. Je veux, d'échec en échec, me diriger vers ma propre victoire.

Ma passion sera mon chemin; la douleur, mon salut.

Uma dor alegre.