«La pensée pense ce qui la dépasse infiniment»




2010-01-12

stop.

Pourquoi le temps ne s’arrêterait-il pas maintenant : 19h38, la chambre noire, les vêtements par terre, les draps dépliés? Pourquoi le temps ne s’arrêterait-il pas maintenant : les membres engourdis, le vernis à ongle défait, les lunettes sales? Pourquoi ne pas me figer pour un moment, pour une journée, une semaine, un mois, un rêve. Un rêve d’éternité. Une lueur lente et doucereuse sur mon visage enfin reposé. Un répit. Et pourquoi pas une pause? Une pause café, une pause cigarette, un arrêt d’autobus, une sirène de pompier, un peu de givre sur mes paupières. Et qui a le contrôle de tout ça? Qui réglemente les instants, les dépits, les sanglots, les blessures. Pourquoi ne pas arrêter le temps sur une blessure. Ma plaie infectée. Figée enfin dans les recoins de cette chambre, entre le 19h et le 44. 44 maintenant. Six de plus. Six minutes de plus à me vivre. À me vivre dans le temps en constant remue-ménage. Je veux m’engouffrer dans cette minute de trop, cette minute inutile, et cette minute qui, comme moi, est immobile. Calme. Nerveuse. Je cours sur la feuille comme le temps, et pourquoi moi je ne m’arrêterais pas d’écrire?  19h 45. Fin. Fin. Fin. Fin. Bon voilà le temps s’est éteint. Mais mes doigts ne cessent de le rappeler, de le faire courir à bout de souffle sur la feuille. Vite. Vite. Vite. Mes doigts me rappellent à ma vie qui ne cesse, ne cesse, de courir sur la page. J’essaie de me rattraper sur la page, de courir après ces mots qui me dépassent, viennent après moi, ou me devancent, me pourchassent dans la lourdeur du temps qui file, file, file. 19h 48. Pas de répit. Pas de pause. Pause d’écriture. Doux subterfuge. Écrire serait prendre une pause? Une pause de quoi, de vivre; non. Jamais. Jamais, on ne peut arrêter ma vie de se poursuivre en moi. Pas même les mots, pas même la paresse. Ma paresse est le poids du temps et est la seule chose à la hauteur de la vie. Et l’écriture n’est qu’une ivresse passagère. Elle m’accompagne dans chacun de mes pas. Sur la page, elle me noie dans l’amertume d’un vin bon marché.